Je me demandais vraiment quel serait le thème de ma chronique de juin ?
Pas de sujet à l’horizon, sinon bateau, mais je sais que la Vie va me proposer quelque chose au moment où je m’y attends le moins..
Après les deux chiens à trois pattes du Quebec - cf chronique de septembre 2016 - ce sont 43 vaches tarines qui m’ont offert une magistrale leçon de vie et de Joie .
Ce matin, j’étais invitée à la "tramée " , "l’emmontagnée " chez un de mes voisins agriculteur.
Chez nous en Savoie, c’est le moment où l’on emmène les vaches en alpage. Elles quittent les prés qu’elles ont fini de brouter aux abords des villages pour rejoindre les herbages d’altitude ; elles y passeront tout l’été pour redescendre fin septembre.
Nous avions rendez vous tôt, après la traite du matin et nous sommes partis : une quarantaine de vaches et une dizaine de " bergers d’un jour , accompagnateurs du troupeau.
Ces vaches de Tarentaise - dont le lait servira à fabriquer le fromage de Beaufort - sont de splendides spécimens : robe chataigne, des cornes sculptures, de grands yeux noirs comme bordés de khol, minces et musclées, au cou une cloche - un " caron " dit-on ici -au bout d’un ceinturon de cuir sobrement décoré - elles sont les princesses des paturages.
Malgré le temps maussade et les chemins détrempés (grosse pluie la nuit d’avant ) il y avait là une joie et une allégresse inouies , palpables.
Les miennes, bien sur, de cheminer de bon matin dans la beauté , la fraicheur, les champ de fleurs en suivant Vanille, Noisette, Coquine, Amma, Framboise, … elles ont toutes des prénoms savoureux..
Un grand sourire montait de mes entrailles , en écho à la gaité de mes compagnes à quatre pattes.
Car le sensible et le spectaculaire c’était l’enthousiasme et même l’euphorie des vaches. Elles ne marchaient pas, elles galopaient, de bon train, à la queue leu leu,
Les carons résonnaient et les vaches cavalaient, joyeuses, un peu fofolles, elles se bousculaient… On aurait dit des enfants pressés de sortir pour la récré ..
Ce que confirmaient les bergers professionnels : " chaque année c’est comme ça , elles savent où elles vont, elles sont heureuses, elles aiment monter à l’alpage "..
Et le berger de tête nous partageait comment il sentait l’énergie joyeuse et la jubilation du troupeau derrière lui .
Après des semaines et des mois d’étables, puis le printemps dans les champs, à l’air libre mais parquées, les vaches savent que dans les alpages elles retrouveront liberté, beauté, infini... Elles se souviennent des herbes grasses, des fleurs gouteuses et nourrissantes, de la musique des torrents, de la compagnie des marmottes et des bouquetins. Elles se remémorent les sensations de haute altitude : les senteurs de fleurs rares, le vent du matin, la pureté des paysages et de l’air... Elles se souviennent et elles sont heureuses de les retrouver, tout simplement. Leur joie est instantanée, simple et évidente. Leur corps, leurs cellules, leur mamelles, leurs sabots, tout en elles transpirent la félicité des retrouvailles prochaines avec l’alpage.
Et nous, quels souvenirs peuvent ressusciter l’allégresse qui nous saisit quand nous nous adonnons aux mêmes plaisirs simples ? Comment nos réminiscences de ces bonheurs primaires nous appellent-ils ? Faire un avec la nature, sentir le vent, le soleil sur la peau, se rouler dans l’herbe et la rosée, plonger dans un lac ou dans la mer, nager, courir, sauter,… rire de la simple joie d’être joyeux d’être heureux ?
Après des semaines et des mois parqués dans nos immeubles, nos bureaux et devant nos ordinateurs, saurons nous célébrer les retrouvailles avec notre nature profonde ?
Choisirons nous d’aller vers cette joie et cette simplicité en trouvant les vacances naturelles, belles et simples qui enchanteront nos corps, nos cellules et nos souffles ?
Choisirons nous de retrouver, pour quelques semaines, des lieux ressourçants, magiques, puissants qui nous régénèrent, nous reposent et nous revivifient ?
Saurons nous choisir des vacances où nos sens seront nourris puis rassasiés de beauté, d’infini, de douceur, de subtilité ?
C‘est peut être tout l’enjeu des « vacances », se retrouver, se ressourcer, rompre avec nos quotidiens parfois trop encombrés…
A l’instar des vaches suivant gaiement le berger de tête, saurons nous suivre la piste de notre joie , la joie immédiate et sans partage du corps, des sens et du coeur ?
Les vaches de chez moi ont de la chance, elles partent en vacances d’été bien avant nous, pour plus longtemps et dans un lieu vraiment magique… ’est pour ça que je vais les voir aussi souvent que je peux, dans leur merveilleux vallon de Chavière .. et si vous venez par chez moi, en Vanoise, c’est sûr que je vous y emmènerai !
Bien à vous
Eveline Mathelet, présidente de l’association Ayurveda en France
Crédit photo :
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